La MONUSCO a officiellement fermé sa base de Lubero au Nord-Kivu ce mardi 26 décembre 2023, après 21 années d’une présence marquée par la désinformation et des incompréhensions ; mais surtout par d’importantes réalisations en faveur des femmes, des civils, des partenaires locaux et de la paix.
Il était 10h37, heure de l’Est, lorsque l’hélicoptère Oryx du contingent sud-africain de la MONUSCO s’est posé à l’héliport de Mulo à Lubero. Pour ce qui sera probablement son ultime vol ici. Après 21 ans de présence, la MONUSCO a officiellement fermé sa base de Lubero au Nord-Kivu ce mardi. Dans le cadre de l’exécution de son plan de retrait progressif et ordonné de la RDC.
A 13h38, le drapeau bleu des Nations-Unies a été « déhissé », pour laisser la place à celui de la RDC. Dans la cour de cette base militaire qui a accueilli de nombreux contingents (Indiens, Sud-africains, Marocains et Népalais), les visages des invités à la cérémonie d’adieu cachent mal la tristesse, mais aussi l’inquiétude voire la peur.
Dans le territoire de Lubero, on dénombre plus de 40 groupes armés Mai-Mai qui « font la loi ». « Est-ce vraiment le moment que vous choisissez pour partir d’ici ? », se hasarde un habitant visiblement touché par cette fermeture de la base de la MONUSCO. Il rappelle à quoi ressemblait Lubero il y a 20 ans.
« Pour la plupart des jeunes, ça ne leur dit peut-être pas grand-chose. Mais il faut rappeler qu’à l’époque, pour venir à Beni au départ de Goma, il n’y avait que l’avion. Aucun commerçant ne pouvait se hasarder à prendre la route, à cause de la présence des FDLR et d’autres groupes armés… Mais avec l’arrivée de la MONUC qui est aujourd’hui la MONUSCO, les casques bleus onusiens ont travaillé à rouvrir la route, à la sécuriser et à rapatrier des milliers de FDLR au Rwanda. Aujourd’hui, nous n’avons plus que des groupes armés locaux, et nos autorités peuvent gérer la situation », a dit un habitant.
Plus de 25.000 FDLR rapatriés au Rwanda et 11,000 ex-combattants démobilisés.
Depuis 2002, à travers sa Section DDR, ce sont quelques 25.000 Forces de libération démocratique du Rwanda (FDLR), que la MONUSCO aura rapatrié au Rwanda. A ce chiffre, s’ajoute celui de 11.000 ex-combattants qui sont passés par le camp DDR de la MONUSCO à Lubero. Beaucoup d’entre eux se sont parfaitement réinsérés dans la communauté aujourd’hui. C’est le cas de Gentil Kakule Kombi qui invite ses frères encore dans la brousse à « quitter cette vie » pour rejoindre la vie civile.
« Nous avions été bien sécurisés dans les bases de la MONUSCO, nous avions été bien logés dans les bases de la MONUSCO avant de nous remettre au gouvernement congolais. J’ai été démobilisé depuis 2015, et depuis lors, je suis revenu dans ma communauté, je suis actuellement responsable d’une grande équipe de football LUBERO SPORT. Je participe activement à la vie communautaire, mais aussi au développement de chez moi. Puisque à part ça, dans le cadre de la consolidation de la paix, j’encadre une association CJPC, qui travaille aussi dans le cadre de la consolidation de la paix, qui est aussi partenaire de la MONUSCO», a t-il affirmé.
Un autre habitant se souvient :
« La présence de la MONUSCO a d’abord été un élément dissuasif pour tous ces miliciens qui certes, continuaient à attaquer des civils le long de la route nationale numéro 4 ; mais grâce aux opérations et patrouilles quotidiennes de la MONUC, ils étaient souvent mis en déroute».
Exit donc les FDLR et le CNDP de Laurent Nkunda, place à une myriade de groupes armés locaux qui n’hésitent pas à imposer leur loi.
Pendant la récente campagne électorale, des candidats ont affirmé par exemple avoir été empêchés de battre campagne ici par des miliciens.
Mais pas de quoi effrayer le colonel Alain Kiwewa, l’administrateur du territoire de Lubero. Pour lui, le départ de la MONUSCO est une occasion pour une montée en puissance des forces de défense et de sécurité congolaises, une occasion de s’assumer.
« C’est normal que cette population puisse regretter le départ de la MONUSCO. Néanmoins nous comme Congolais, je pense qu’il est temps maintenant de réfléchir : la MONUSCO a fait sa part, nous devons faire aussi la nôtre. Donc, nous devons fournir un effort pour sécuriser et stabiliser notre entité et plus particulièrement le territoire de Lubero », a t-il souligné.
La MONUSCO quitte Lubero, pas les Nations Unies…
Tout comme l’administrateur militaire de territoire, le chef de Bureau de ce qui est encore pour quelques heures la MONUSCO-Beni-Lubero, s’est voulu rassurant quant à l’après-MONUSCO à Lubero. Pour Josiah Obat qui dit sa confiance en la société civile : oui, il s’agit d’une séparation mais physique, car depuis Beni, la MONUSCO reste activement engagée aux cotés des populations locales, tout comme le système des Nations Unies.
« Tout ce que la MONUSCO a réalisé ici, c’est grâce à la population. Et c’est la même population-là qui doit continuer à garder les acquis que la MONUSCO laisse derrière ici. On laisse ici une société civile qui est vraiment outillée. C’est notre souhait qu’elle continue à utiliser les mêmes outils pour continuer à lutter pour que la paix puisse revenir ici définitivement. Aujourd’hui est un jour triste pour nous tous. C’est la MONUSCO qui quitte Lubero, pas le système des Nations Unies. Les agences, Fonds et Programmes vont continuer à demeurer à vos côtés. La Mission va rester à Beni et à partir de Beni, on va continuer à collaborer avec les partenaires que nous laissons ici. Mais en plus de ça, les agences des Nations Unies vont continuer à travailler avec la population de Lubero. Nous ne partons pas de Lubero parce que quelqu’un nous a chassés ou qu’ il y a des coups de feu. C’est conforme à notre plan de transition pour une sortie ordonnée et responsable du pays. C’est le principe même d’une Mission de maintien de la paix qui n’a pas pour vocation à s’éterniser dans les pays d’accueil », a t-il précisé.
Des actions palpables et visibles…
En 21 ans de présence dans le territoire de Lubero, la MONUC-MONUSCO a grandement contribué à la stabilisation de la région. De la société civile aux autorités politico-administratives, la présence de la MONUSCO a impacté positivement la vie des populations.
« La présence de la MONUSCO avait d’abord été un élément dissuasif pour tous les miliciens qui certes, continuaient à attaquer des civils le long de la route nationale numéro 4, mais grâce aux opérations et patrouilles quotidiennes des casques bleus, ils étaient souvent mis en déroute », se souvenait en octobre 2023 un habitant qui rappelait alors combien se déplacer ici était périlleux.
Même son de cloche du côté de l’administrateur de territoire, qui égratigne au passage les « mauvaises langues et mauvais esprits » voit plus et fustige la désinformation sur les réalisations de la MONUSCO.
« Il y a des réalisations palpables de la MONUSCO ici, et elles sont physiques : quand on vous parle de la construction de la Maison des femmes, nous voyons cette maison. Quand on vous parle des formations, des ateliers, nous les avons vus, il y a des gens qui ont participé à ces formations. On peut citer l’éclairage par kits solaires du site administratif du chef-lieu du territoire, la construction de 6 marchés publics modernes à Mulo, Kirumba et Kanyabayonga, la réhabilitation de la prison de Lubero, etc. Ce sont des actes palpables ! Alors, nous ne pouvons pas suivre ceux qui propagent des rumeurs sur base de rien. S’ils venaient ici à Lubero, ils constateront eux-mêmes qu’il y a plusieurs réalisations de la MONUSCO et que nous regrettons son départ. »
Mais il y a plus que cela, à l’actif de la MONUSCO dans le territoire de Lubero. On pourrait citer entre autres l’appui aux FARDC pour combattre les groupes rebelles et la paix qui règne aujourd’hui dans ce territoire, malgré la présence de groupes armés locaux, le renforcement des mécanismes de protection, des formations sur la résolution pacifique des conflits, l’appui à la restauration de l’autorité de l’État à travers de nombreux projets pour des femmes, jeunes et autorités locales, la construction d’une salle polyvalente pour jeunes, etc.
Des réalisations obtenues grâce au soutien des autorités locales et de la population, même si ces dernières années, l’intoxication et la désinformation sont passées par là, créant d’énormes incompréhensions entre une frange de la population et la MONUSCO.
Du mobilier et matériel de bureau, des frigos, fontaines d’eau, du matériel de bureautique, des tentes et préfabriqués, des ordinateurs, poubelles géantes, congélateurs, etc., ont été offerts par la MONUSCO à ses partenaires de la protection civile, des associations féminines, l’administration du territoire, la DGM, la PNC, le P-DDRC-S, et autres organisations de la société civile.