(Tribune de Me Tychique FATAKI , Analyste- essayiste.)
Rappel des faits et rétroactes :
Convoqué par le parquet général de Matete pour y être auditionné le 08/04/2020, Vital Kamerhe fut malheureusement placé sous mandat d’arrêt provisoire.
Ensuite, mercredi 15 avril 2020, le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Matete statuant en appel, confirma la décision du Tribunal de Paix ordonnant le maintien en détention préventive de l’ancien Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat, poursuivi par le Ministère Public du chef de l’infraction de détournement des deniers publics.
L’affaire fut fixée devant le Tribunal de Grande Instance Gombe sous RP 26.931, d’où V.Kamerhe et consorts furent accusés pour les faits de détournement des deniers publics .
Contre toute attente, le président de la composition le juge Yanyi, paix à son âme, tira sa révérence et fut remplacé par son collègue Pierrot Bakenge, qui continua l’instruction jusqu’au prononcé de la décision dans laquelle V.Kamerhe fut condamné à 20 ans des travaux forcés, outre les peines subsidiaire.
Contre ce jugement du TGI Gombe,du 20/Janvier/2020, V.kamerhe acta Appel en synergie avec d’autres co-accusés, et la cause fut enrôlée devant la Cour d’Appel de Gombe sous différents numéros joints, , ainsi notamment RPA 13.19/13.022/13.027/13.028/13.029/13.030/13.031/13.032/13.033/13.034/13.035 selon qu’il y avaient plusieurs condamnés .
En date du 31/Mai/2021, pendant que la Cour devrait recevoir le motif d’appel, il s’est trouvé au dossier, une requête en récusation contre les membres de la composition de la chambre y siégeant, laquelle demande fut sans atermoiement rejetée pour des raisons évidentes de la Cour, et invita les appelants à la plaidoirie.
Ainsi, en date du 15/Juin/2021, la Cour d’appel rendit son arrêt au fond déclarant préalablement sans objet les demandes de mise en liberté provisoire introduites par les prévenus, déclarant en outre non fondée la demande de la réouverture des débats introduites par V.Kamerhe et consorts…
Déclara irrecevable les appels des autres co-accusés de la dynastie Kamerhe, déclara non fondé l’appel du Ministère Public ;
Déclara partiellement fondé l’appel de V.Kamerhe, Samih jamal et Muhima Ndole, sous RPA 13.019, 13.027, 13.028, tout en confirmant l’œuvre du premier juge sauf en ce qui concernait le taux de la peine, ramenant de ce fait la peine de V.Kamerhe à 13 ans des travaux forcés pour l’infraction de détournement des deniers publics, tenant compte des circonstances atténuantes, après avoir fait le cumul des peines prononcées pour chaque infractions ( détournement des deniers publics et corruption) tout en y ordonnant la confiscation de la somme de 7.000.286.$USD sans y indiquer son titulaire.
C’est contre cette décision du 15/Juin/2021 de la Cour d’appel de Gombe, réputée contradictoire à son égard que Mr Vital Kamerhe avait en date du 08/Juillet/2021, acté pourvoi en cassation conformément à l’article 45 alinéa 1 de la loi organique relative à la procédure devant la Cour de Cassation, étant entendu que le délai pour se pourvoir en cassation est de 40 jours francs à dater du prononcé de l’arrêt ou jugement rendu contradictoire.
Outre cette exigence, V.Kamerhe par le biais de son avocat près la Cour de cassation, confirma son pourvoi en date du 22/Juillet/2021, en accord avec l’article 49 alinéa 4 de la loi organique pré-rappelée, étant donné que le délai pour cette confirmation courait jusqu’au 09/Août/2021.
Dans sa requête confirmative, le demandeur en cassation releva 5 moyens de cassation, sollicitant in fine la cassation avec renvoi, l’arrêt entrepris dans toutes ses dispositions.
Néanmoins, en attendant l’examen du bien fonde de sa requête confirmative de pourvoi en cassation, le demandeur avait saisi la même Cour en requête de la mise en liberté provisoire De la possibilité du bénéfice de la liberté provisoire par tout inculpé, prévenu ou condamné.
Nous devons garder à l’esprit que toute personne poursuivie quel que soit la qualification de l’infraction ou le taux de la peine, peut bénéficier de la liberté provisoire…Celui qui commis l’assassinat, le meurtre, le détournement des deniers publics, le viol, la trahison, etc….peut, si le juge ou le Procureur l’estime nécessaire en tenant compte des conditions qui seront énumérées dans les écritures suivantes, bénéficier de la liberté provisoire.
Le code de procédure pénale congolais ne catégorise pas les infractions, ni la condamnation dont les auteurs ne peuvent bénéficier de la liberté provisoire…Mieux encore, la qualité de la personne mise en cause.
Accorder la liberté provisoire à un inculpé ou prévenu ou encore un condamné ayant introduit une voie de recours extraordinaire, relève donc de l’apanage du Procureur ou du Juge selon les cas, conformément aux conditions prévues par la loi.
Quid de la procédure de la mise en liberté provisoire devant la Cour de Cassation ?
Conformément à l’article 47 alinéa 5 de la loi organique relative à la procédure devant la Cour de Cassation qui dispose que : « Toutefois, le condamné qui se trouve en état de détention préventive ou dont l’arrestation a été ordonnée par la juridiction d’appel ou par le Ministère public près cette juridiction peut introduire, devant la Cour de Cassation, une requête de mise en liberté ou de mise en liberté Provisoire, avec ou sans cautionnement. » Si le condamné n’est pas présent ou s’il n’y est pas représenté par un Avocat porteur d’une procuration spéciale, la Cour statue sur pièces. La Cour statue, toutes affaires cessantes, dans les vingt-quatre heures à Partir de l’audience à laquelle le Ministère public a fait ses réquisitions. Les dispositions des articles 45 et 47 du Décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale sont applicables devant la Cour de Cassation.
Mr Kamerhe fut condamné du chef de l’infraction de détournement des derniers publics punissable d’une peine à terme (travaux forcés), néanmoins, par effet suspensif que revêt le pourvoi en cassation, il fut assimilé à une en personne détenue provisoirement. Et de ce fait avant l’examen du fond de sa requête confirmative de pourvoi, a introduit une requête de mise en liberté provisoire Conformément à la loi.
S’agissant de la motivation de la décision lui accordant la liberté provisoire, nous pensons que les hauts magistrats ayant statué sur sa requête, se sont penchés sur la motivation de sa requête de la mise à liberté provisoire, laquelle serait suffisamment convaincante, en considération surtout de l’aspect sanitaire du requérant.
A cet sujet, Plusieurs jurisprudences, témoignent que les juges ont eu à accorder la liberté provisoire en faveur de certains prévenus ou condamnés pour des pertinents motifs suivants :
Précarité de la santé du prévenu qui nécessitait au vu du certificat médical produit un suivi dans un centre médical approprié (CSJ, RP 2433, janvier 2003 ; CSJ, RP 2953, 20 août 2007, inédit ; CSJ, RP 3112,27juin 2008, CSJ RPA 363) ;
L’opinion publique se rappellera que V.Kamerhe a eu à formuler plusieurs fois la demande de la mise en liberté provisoire pour des raisons de santé, bien ces demandes furent très souvent rejetées.
Pour s’en convaincre, on s’en souviendra qu’en date du 24/Novembre/2020 le vice-ministre de la Justice, Bernard Takahishe, à la suite d’une visite rendu à V.Kamerhe le mardi 24 novembre 2020, s’était prononcé très ouvertement sur l’état de santé de cet dernier, en déclarant « son état de santé devenait de plus en plus préoccupant ».
Selon ce ancien ministre Bernard Takahishe, l’état de santé BDE V.Kamerhe méritait une prise en charge appropriée hors du centre médical, où il fut soigné.
Cette assertion, du reste émanant du patron de la justice devrait être prise au sérieux depuis son temps.
D’autres cas pouvant conduire à l’obtention de la mise à liberté provisoire :
· Une charge familiale importante (CSJ, RP 2277, 30 novembre 2001 ; RP 3085, 18 avril 2008 ; RP 2837, 26 mai 2008)
· L’âge avancé et un état de santé précaire (CSJ, RP 3112, 27 juin 2008), lorsqu’en plus le domicile était connu (CSJ RP 2089, 12 avril 2001) ;
Manque d’antécédents judiciaires, adresse résidentielle connue (CSJ, RP 3144, 02 septembre 2008, inédit) et qualité d’étudiant préparant en plus ses examens de fin d’études (CSJ, RP 2970, 27 août 2007, inédit) ;
· Un défaut de crainte de la fuite des prévenus dont l’adresse est connue (CSJ, RP 3230, 6 février 2009, inédit) ;o
Autres conditions de la mise en liberté provisoire ou de son refus par d’autres juridictions inférieures.
Aux termes de l’article 32 al.1 du décret précité portant code de procédure pénale, qui dispose : «tout en autorisant la mise en détention préventive ou en la prorogeant, le juge peut, si l’inculpé le demande, ordonner qu’il sera néanmoins mis en liberté provisoire, à la condition de déposer entre les mains du greffier, à titre de cautionnement, une somme d’argent destinée à garantir la représentation de l’inculpé à tous les actes de la procédure et l’exécution par lui des peines privatives de la liberté aussitôt qu’il en sera requis ».
Par ailleurs, la loi veut que la liberté provisoire soit accordée à charge pour l’inculpé de ne pas entraver l’instruction et de ne pas occasionner de scandale par sa conduite (art. 32 al.2).
Dans sa souveraineté, l’autorité judiciaire qui accorde la liberté provisoire peut, conformément à l’article 32 al. 3 du décret sous examen, imposé à l’inculpé :
D’habiter la localité où l’officier du ministère public a son siège ;
De ne pas s’écarter au-delà d’un certain rayon de la localité sans autorisation du magistrat instructeur ou de son délégué.
De ne pas se rendre dans tels endroits déterminés, tels que gare, port, etc. ou de ne pas s’y trouver à des moments déterminés.
De se présenter périodiquement devant le magistrat instructeur ou devant tel fonctionnaire ou agent déterminé par lui ;
De comparaître devant le magistrat instructeur ou devant le juge dès qu’il en sera requis.
Il sied de souligner ici que, sur requête du ministère public, le juge peut à tout moment modifier ces charges et les adapter à des circonstances nouvelles ; il peut également retirer le bénéfice de la liberté provisoire si des circonstances nouvelles et graves rendent cette mesure nécessaire
l’octroi de la liberté provisoire ne dépend pas du type d’affaire ou de la qualité de la personne poursuivie ou condamnée dont l’exécution de la condamnation serait suspendue par une voie de recours ordinaire ou extraordinaire.
Somme toute, dans le dossier Vital Kamerhe, actuellement en examen devant la Cour de Cassation sous RP 1702, nous devons garder à l’esprit que sa mise en liberté provisoire est conforme à la procédure devant la Cour de Cassation spécialement à l’article 47 alinéa 5, mais surtout, c’est une garantie accordée à tous, et quoi de plus normale si au regards de la motivation contenue dans sa requête de la mise en liberté provisoire, le juge en fut persuadé mais aussi en prenant en compte les éléments de conviction lui produit attestant incontestablement la précarité de son état de santé comme l’avait relevé à son temps, l’ancien vice premier ministre de la justice.
Sur le plan politique, cette décision a tendance a heurter d’autres sensibilités, surtout celles qui n’avaient qu’une vue très politique de l’affaire au détriment des évidences procédurales que juridictionnelles.
A ce stade, on assiste petit à petit à la rationalité de l’administration de la justice étant donné que cette affaire a très souvent tendance à se révéler comme une unité de mesure de la bonne administration de la justice dans un état de droit non digne de cette qualification.
Que vive la justice !